BON COMME LA DUNE.


GENESE...

Dimanche de janvier, il pleut et il vente, il fait nuit et froid. Pas bien...

Un peu de télé pour voir autre chose : des types bariolés sautent de dunes en dunes avec des bécanes magiques, dans un décor magique. Bon, c'est désormais en Amérique du sud, c'est une gigantesque pompe à fric, mais ce genre de décor me fait encore tellement rêver que j'évacue facilement le côté mercantile -et infantile- de l'affaire.
Une moto dans le désert c'est encore mieux qu'un bateau sur la mer, vu que là c'est en 3D... et que tu te gèles pas le boulier tout mouillé dans le froid...
Souvenir souvenir, il y a… euh oui… douze ans j'étais parti dans le grand bac à sable tunisien avec une bécane pas vraiment faite pour ça, mais sacrément attachante.
Va jeter un coup d'œil vite fait, mais reviens vite, tu prendras le temps une prochaine fois de lire la recette du poireau au sable...
Bon, les gens normaux partent là-dedans avec une bécane bien faite et préparée pour. Moi j'étais parti avec une bécane de plage : tu peux toujours te dire que la plage est immense et que la mer est au bout... Mais le désert lui allait bien à cette chouquette.
TW 200, c'est son nom. L'animal est rare, seulement une soixantaine distribuées en France de 1989 à 1995, et vieux... c'était dans les années 90... Et c'est également un gros poumon : 16 CV en pleine colère...


Dimanche de janvier, le mou dans la tête se met en route et me dit, avec un petit air rêveur,  qu'il y a deux façons de faire :
- prendre la bonne bécane bien faite pour ça avec des chevaux à tous les étages, s'habiller en bariolé, débrancher le cerveau, et se tirer la bourre avec tout ce qui bouge pour s'astiquer l'égo : c'est grosse adrénaline mais gros risque de se vautrer méchamment.
Comme j'en ai pris une bonne en vélo voilà trois ans, j'ai pu remarquer qu'en prenant de l'âge le temps de récupération s'allonge vraiment beaucoup... Ah oui : j'ai eu le permis à 16 ans et je roule en bécane depuis... euh... si... 48 ans... la mathématique est imparable : le compteur est à 64...
- prendre encore une TW et décider l'aller au bout : se faire les pistes et les dunes à l'allure d'un promeneur sentimental, sentir, regarder, photographier, vivre le rêve et ...tenter quand même de ne pas se vautrer non plus...

Mais ça veut dire passer des jours seul sur les pistes, seul comme un chien, avec une meule de 16 CV, tandis que les cadors tailleront loin devant la piste à 120. Parce qu'il faut couper à chaque saignée et à chaque bosse, vu que la TW ça n'encaisse pas au niveau suspensions. Comme tu roules déjà pas trop vite quand c'est bien plat, ta moyenne s'effondre dès que ça chahute un peu, donc tu sais que tu vas passer pas mal d'heures chaque jour sur la meule…
Pour avoir déjà vu ce film, je sais aussi que je vais me régaler grassement quand il faudra surfer sur les dunes, en comptant les bécanes ensablées jusqu'à la selle, héhé…  parce que la TW 200 c'est fait pour le sable,  tu dégonfles tout mou, et tu passes absolument partout !
Enfin ça c'était dans mon souvenir...
Dans un moment d'égarement j'avais vendu la chouquette après l'aventure du poireau au sable pour prendre une vraie bécane de raid avec laquelle j'étais reparti l'année suivante. Un moment d'égarement...
 Comme le mou que j'ai dans la tête a de la suite dans les idées, je me retrouve sur le coincoin à taper TW 200. Et... devine... y'en a une !
Tu crois pas que c'est un signe ça ! Ce truc s'est vendu à moins de 70 exemplaires il y maintenant plus de 20 ans, j'en cherche un et je le trouve !
C'est un signe ! Téléphone, l'engin a l'air en bon état, le gars et le prix ont l'air corrects, hop 800 bornes et la belle est dans mon garage.
Et, à 64 ans comme à 16, je tourne autour avec la bave aux lèvres tellement elle est belle et elle est dans mon garage à moi...
A ce stade tu te dis "il va y aller ce tocard ou il va lamentablement se dégonfler ?"
Se  quoi ?!
Un bulletin marqué "Raid Passion Désert" et un chèque dans une enveloppe, c'est au Maroc, pendant 10 jours, à raison d'environ 300 bornes chaque jour, et avec trois bonne grosses étapes de dunes.

 FAUT SE PREPARER UN PEU QUOI...
Comme la chouquette est rare et en bon état et ce serait dommage de la ruiner maintenant.         
Je vais donc remplacer le réservoir les plastiques les clignos et les rétros qui ont quand même résistés pendant 25 ans, par de vieilles pièces qui ne craindront pas d'affronter le désert et les cailloux. Donc acquisition d'un lot de pièces d'occasion pour cette bécane : facile, elle est sorti quelques années plus tard en version 125 et toutes les pièces sont identiques.
Parce qu'un raid au Maroc, c'est quand même plusieurs belles occasions de se coller par terre et d'abimer un peu la moto…
Ensuite la munir d'un frein à disque à l'avant, parce qu'avec le tambour d'origine il vaut mieux doubler que tenter de s'arrêter avant le pare choc de la caisse qui vient de piler…    


        
 Le changement de la fourche pour monter un disque, c'est juste de la mécanique de base, j'en profite pour nettoyer-graisser tout ce qui est roulements : j'ai déjà vu le film de la direction bloquée qui te fait les épaules de nageur olympique en une seule demi-journée.                                  
Démonter et remonter les nouveaux plastiques et le réservoir, un type normal fait ça en trente minutes, mais l'esthète qui m'habite se toque d'harmoniser cet ensemble.

Nettoyage, décapage, dégraissage du nouvel habillage, puis pose d'un film plastique  magnifique, imitation camouflage dans la steppe : je sais, rien à voir avec le désert mais c'est comme ça que je l'avais rêvé... et on va pas commencer à discuter de mes rêves...
Donc, autocollant miraculeux qui se colle avec une facilité déconcertante... sur la vidéo de présentation… Sur cette perverse vidéo  on voit un type rigolard qui te recouvre tout seul une voiture entière en trois minutes avec le produit miracle. Toi, gros naïf, tu penses que tes cinq morceaux vont se retrouver à neuf en quelques secondes.
Muni d'un sèche cheveux," bon tu me l'abimes pas hein, parce que la dernière fois…", muni donc d'un sèche cheveu que j'ai intérêt à ménager si je veux pas voir quarante ans de bonheur conjugal sentir le grillé, je m'installe au chaud sur la table de la cuisine.
Et là, là, ben tu vois… comment dire… la vidéo, il semble bien que ce soit accéléré et  coupé au montage…
La pub nous prendrait-elle pour des glands ?
Parce que dans la vraie vie, c'est déjà l'aventure… Pour faire court :
1- toute la maison pue l'essence, parce que le réservoir à coup de sèche cheveux, le peu qui reste dedans… quarante années de bonheur…
2- il y a type rouge et excité qui tourne autour du réservoir depuis plus d'une heure avec un grand morceau de film terriblement déformé, il bave légèrement, il a les doigts cramés par la chaleur, il lui manque une main pour tenir la pièce, le sèche cheveux et tirer sur le film,  et le réservoir est seulement à moitié recouvert d'un truc plein de bulles et de plis.
3- l'histoire a duré cinq heures…
Vu de loin le résultat semble correct. Vu de près c'est bof bof…

Mais l'esthète est calmé…
Installation d'un GPS vieux d'une vingtaine d'année, c'est-à-dire pas franchement miniaturisé, mais c'est écrit gros ! Ah, câblage électrique soigné parce que ça va vibrer grave et que le cauchemar c'est de voir l'engin faire kssksskss et s'enflammer d'un coup !

Et changement du compteur, pour avoir un odomètre... Pas la meilleure idée du plan, on verra ça plus loin...



Dérouleur de road-book et mon GPS de vélo qui va lui aussi servir d'odomètre, enfin ça aussi c'est "dans le plan"...
Bon, ça commence à ressembler.
Enfin les pneus. Comme le 200 est une moto de plage, on lui mettait des pneus de plage : crampon à tous les étages. Mais quand tu roules sur le goudron avec ces gommeux, tu as la sensation de rouler sur la pointe des... pneus... genre adhérence pointillée... pas trop rassurant. Et sous la pluie, c'est carrément de la bonne grosse savonnette. Alors pour rouler au quotidien l'esprit serein, on montait du pneu route classique, incompatible évidemment avec un raid...
Les jantes trouvées à la casse étaient, chance, munies des pneus à crampons ! 
Donc on fait l'échange, et là, ça cause :
 TRAVAUX PRATIQUES...
Voilà. Maintenant direction les pistes autour de chez moi pour tester l'animal.
Un quart d'heure plus tard je suis déjà par terre, parce que la descente-de-la mort-qui-tue que je fais tranquille en VTT, et bien vois-tu… avec un engin plus lourd que tu ne connais pas bien, tu bloques les deux roues sur le premier mètre et tu rebondis ensuite gracieusement de rocher en rocher, jusqu'à ce que tu sois parfaitement en travers pour te faire éjecter…
Bon, je testais aussi la carapace et les diverses protections du pilote, et tout ça fonctionne bien… Mais je note : emporter les leviers frein et embrayage de rechange...
On se calme et on prend des pistes bien roulantes. Ah ! Mieux ! Bon 16 chevaux ça t'arrache pas les bras, mais l'engin distille de la sensation : pour faire court, en roulant à 70 tu as déjà l'impression d'être à 120 avec une bécane normale...
Dans la liste des modifications à apporter encore, il y aura la selle…
Comme celle trouvée à la casse était vraiment pourrie-sale-horrible, après l'essence la brosse, le savon et la panoplie conventionnelle sans résultat, j'ai tenté l'acétone pour la nettoyer !
Yes, super propre mais… ah oui il y a un mais… la selle est devenue super lisse et donc… super glissante : sachant qu'au bout de la selle il y a le réservoir, en tôle, solide quoi, et qu'au bout du pilote il y a quelques centimètres d'un truc plus ou moins flasque, mais fragile et sensible, et que quand ça glisse ça tape, et que quand ça tape… bobo quoi…
Bref, on va recouvrir la selle d'un antidérapant, et profiter le l'opération pour la rehausser un peu. Parce que le pilote fait 186 cm de hauteur et que lorsqu'il doit se mettre debout sur cette bécane de nain, il part d'une position quasiment accroupie, ce qui le fatigue un  peu à la longue…
Faut reconnaître qu'avec la nouvelle selle, l'engin fait moins moto de nain.

Petite touche finale avec un réservoir supplémentaire derrière la selle... qui ruine totalement l'esthétique avec son rouge pétard, mais bon, plus trop le temps de l'assortir au reste, alors faudra supporter les photos avec la grosse verrue rouge...

C'EST PARTI !
L'organisation te transporte ta moto, une malle et un sac, et il faut porter ça une semaine avant le départ à un point de rendez-vous. Là, tu commences à comprendre que les choses sont plus sérieuses que tu ne le pensais : des 4x4 super équipés, et des motos ... euh... comment dire... normales quoi !  

D'accord, c'est plus le moment de flotter, mais quand tu entends gronder leurs appareils et que tu n'entends même plus si la tienne est en route...
Une semaine après c'est donc avion et débarquement à Marrakech, royaume du Maroc, et le parcours ce sera ça :

Alors, que je t'explique tout de suite ma façon de voir un récit d'aventure : ça commence dans le réel, mais ça part rapidement dans la sensation pure. Ce qui veut dire que je ne vais pas te bassiner des heures à t'expliquer ce que j'ai mangé et où j'ai fait pipi... 
Il y aura un semblant de chronologie, mais pas longtemps, et on va se perdre rapidement dans de la belle image et de la belle histoire. Voilà : on va se perdre... dans des décors somptueux, avec des gens somptueux.
Donc je sors de l'avion avec un moral d'aventurier, j'entends appeler "Pat ! Pat!": c'est pas moi, ça peut pas être moi puisque je suis un aventurier solitaire et je vais faire un raid très dur dans le désert et... et... c'est moi... Des amis, en famille et en vacance, dans le même avion que moi, une semaine dans un Ryad, et gnagnagna... : ils m'ont tout abimé mon rêve de baroudeur solitaire...
Bon, un taxi, un hôtel, l'organisation qui m'accueille et me file deux appareils destinés à ce qu'on me retrouve  avant que mes os ne se dessèchent dans le désert si les choses tournent mal, des balises quoi. Mais moyennant des cautions... qui pompent intégralement mon budget du voyage...  Glouc...
Ok. Alors demain la première étape va commencer par le distributeur d'une banque : faudrait arrêter de me massacrer mon plan de baroudeur les gars !!!
Je retrouve Chouquette toute seulette au milieu des monstres du désert, et commence alors la visite de "la tit' moto"... J'explique :
Les gars ont vu ma  pétoire qui trainait à côté de leurs bijoux,  se sont frotté les yeux et se sont dit :
"Aurions-nous là un doux dingue qui pense faire ce raid avec cette bouse ?"
Et voilà que le doux dingue se pointe, alors ils se sentent obligés d'aller le visiter, pensant que dès le lendemain soir le type aura disparu de la circulation ; donc intérêt manifeste pour l'équipage, et air entendu lorsqu'on parle technique et que j'annonce 16 cv et 200cm3. Faut dire aussi que j'ai pas vraiment non plus la tenue qui fait sérieux, et qu'une fois sur la TW ça ressemble pas trop au killer des dunes...

Black is black ! c'est pas la tenue bariolée, ni le casque de tueur avec les lunettes de mouche... et puis bon les rétros, le feux rouge d'origine et... comment dire... la position... oui, c'est ça... la position... c'est pas la vraie position du winner non plus...
C'est pas tout de blaguer les gars, mais là j'ai du boulot : réinstaller le GPS, un peu trop saillant pour voyager en sécurité sur le guidon, remonter les rétros, faire le plein, installer le road book dans l'appareil prévu pour, ranger mes affaires et organiser la malle du matériel de rechange.
Ensuite repas et découverte du groupe : beaucoup sont venus en "teams", ça rigole, ça discute, et les aventuriers solitaires dans mon genre cherchent une table avec des tronches un peu paumées comme la leur. Solitaire et solidaire, même racine...
Petit briefing pour nous annoncer qu'il faut se lever très tôt pour partir très tôt : euh là, j'ai plus trop l'habitude...
Et c'est là que je commence à retomber dans la vraie vie : va falloir se bouger un peu, assurer, quitter le petit confort pépère et pédaler. Ben oui mon gars, l'aventure ça se mérite... même si faut pas trop se plaindre du bivouac...



MARRAKECH TALIOUINE, C'EST LA PREMIERE ETAPE.
J'ai bien aimé les petits sourires en coin. Résumons : je pars dernier, parce que je ne veux pas petit-déjeuner comme les autres tout harnaché en motard, mon côté petit bourgeois qui se la pète. Donc après le petit-déj, quand tout le monde fait son petit rot et enfourche sa bécane, je retourne me changer, fermer mon sac, puis je le mets dans le camion,  je me prépare... et tout le monde est parti... Pas grave, on a dit aventurier solitaire.
Sortie de l'hôtel, à droite, et... tu le crois ça ?
200 mètres plus loin je suis déjà paumé : sur le road book il y a le dessin d'un rond point, p...t... c'est quand même pas compliqué un rond point ! On n'est pas dans le désert là, on est à Marrakech !
Et ben non, le dessin disait troisième sortie, et j'ai pris... la quatrième...
Evidemment dans ce cas là, la case suivante du road book te dit que tu fais 5km et que tu trouves une station service : et ben toujours, je dis bien toujours, tu trouves une station service au même endroit sur la mauvaise route ! Ou... presque au même endroit, enfin tu fais tout pour croire que c'est au même endroit...
Bon, alors demi-tour, et pour ne pas commencer avec un odomètre décalé, je retourne carrément au point zéro, c'est-à-dire à l'hôtel... Là, j'ai bien aimé les petits sourires en coin. "Tiens voilà notre poireau, on le pensait nul mais à ce point !" si si si, je l'ai pas entendu mais je l'ai bien compris...
Deuxième départ donc, et c'est l'occasion de parler de l'odomètre. Sur le road book tu trouves le kilométrage depuis le départ de l'étape et la distance séparant deux cases. Je te fais pas un dessin mais je te mets une image :


Si ton compteur est juste, tu sais toujours à quelle distance du début de l'étape tu es, et ça rassure. Et si tu prends la peine de remettre ton odomètre à 0000 à chaque case, tu sais précisément où tu vas tomber sur la suivante. C'est super simple, non ?!
Le hic, c'est que si, comme.. euh… moi par exemple... tu te plantes à un croisement et que tu jardines un peu dans la nature, ta distance par rapport au point zéro devient fausse, et ce repère là tu l'as perdu.
Tu vas me dire qu'il te reste l'odomètre  partiel, ok.
Mais... mais mais mais...tout le monde à un odomètre super spécial, que tu appuies juste sur un bouton et il se remet à zéro, tout le monde... sauf moi...
Fais un effort quand même, je t'ai mis plus haut une photo des deux compteurs ! 
Et bien mon odomètre à moi il faut lui tourner la 'tite molette jusqu'à ce qu'il t'affiche 0000! Et c'est pas simple parce que la molette est planquée, que tu as les gants, et qu'avant d'arriver à 0000 il y a 9999 puis 8888  etc... 
Et que pendant que tu te pètes les yeux sur les chiffes qui s'alignent lentement, une grosse saignée très profonde va surgir juste sous ta roue avant !
Et enfin, autant l'avouer tout de suite, le GPS du vélo, et ben... il peut pas servir d'odomètre... loupé...
Voilà une vraie moto de raid :


Chez moi ça ressemble... mais juste un peu...


Bref, au début tu t'arrêtes à chaque case pour remettre à zéro, ensuite tu calcules en cumulant les distances entre cases, et puis tu finis par louper une case, et quand tu rebranches le cerveau et que tu arrêtes le moteur, tu entends le silence mortel te criant que tu es totalement paumé...
N'ai pas peur, essaie : 

Mais heureusement tu n'es pas le seul naze du peloton, alors tu finis par rejoindre un groupe tout aussi paumé que toi, et là, tout solitaire aventurier que tu es, tu pousses un gros soupir de soulagement et tu décides de faire confiance à celui qui a le plus beau matos.
Ce jour là je tombe sur le groupe des grosses. Le groupe des grosses est composé de quatre lascars venus, un peu comme moi,  avec des bécanes pas franchement adaptées. Deux grosses BM 1200 GS, et deux KTM 1290.


Les bestiaux sont bourrés de chevaux et d'électronique, mais pas trop prévus pour des pistes cassantes, à flan de montagne, avec épingles hyper serrées et des ravins au fond desquels ta bécane arrivera en minuscules pièces détachées…  
D'ailleurs à ces endroits là, ce qui est aussi hyper serré sur ces bécanes ce sont les miches de leurs propriétaires...
Bref, on a roulé ensemble toute l'étape et j'ai franchement admiré leur dextérité.


A l'arrivée on a causé puissance, 160 cv pour eux et 16 pour moi : je les ai suivis sans trop de problèmes, ils auraient pu me faire la gueule mais ils m'ont payé une bière. Braves gens !
Le soir bivouac, presque pour de bon, disons qu'on couche sous la tente quoi...             
     
                              
... pour le reste c'est un peu moins bivouac...

Ceci dit, on va se les geler sévère sous les tentes pendant la nuit. Quand même...

LA DEUXIEME ETAPE : TALIOUINE / TALIOUINE
Aujourd'hui l'organisateur a pensé à moi : étape sans GPS, que du road book. Pervers !
Donc le seul indicateur pour la journée ressemble à ça :

Tu peux croire que c'est pas compliqué… et pourtant, une fois sur le terrain c'est bien plus malin que sur le plan. Exemple, regarde un peu la case n°14. Tu vois que le gars qui… Oh ! tu n'as pas encore trouvé la case n°14 ? Ah ! ça commence mal, parce qu'imagine-toi qu'il va falloir la trouver en roulant alors que ça vibre grave sur le guidon, que le paysage défile à toute allure et que tout un tas de pièges vicieux genre grosse ornière, grosse saignée ou troupeau de chameaux risquent de se jeter sous ta roue avant…
Bon, on va dire que tu as dégoté la case n°14. Elle te dit " tu vas trouver une fourche juste après deux tas de cailloux, un à droite un à gauche. Cool. Ce qu'elle te dit en réalité c'est que "le gars qui a fait la reconnaissance a vu la fourche, s'est arrêté, a vu un tas de caillou de chaque côté, et à noté tout ça dans son petit calepin."
Sur l'image tu as l'impression que les tas de cailloux font au moins un mètre de haut, dans la réalité il peut s'agir de trois malheureuses pierres égarées sur un petit tas de sable…
Bon, donc on va passer une journée à jouer aux devinettes…
M'en fous, je vais suivre... euh... bonne idée... mais pour suivre, faut quand même rouler à la même vitesse que celui de devant...
Et pour ça j'ai un petit problème : lorsque les gars tournent la poignée droite, leur bécane fait vraoum et les jette en avant. Moi, quand je tourne la poignée droite, il se passe... rien... 
Bon, on verra.
Mais avant de partir il faut que j'explique un peu la navigation au GPS, des fois que tu penses que c'est comme dans ta voiture de luxe lorsque la voix suave de Kate te réveille quand il faut tourner à droite.
Nan, c'est pas pareil du tout. Le vrai GPS de vrai baroudeur il ressemble à ça :


Ok, ce modèle là date un peu, mais il a le gros avantage d'avoir de grosses lettres et de gros chiffres... adaptés à l'âge du capitaine quoi...
Donc, avec ce GPS tu retrouves régulièrement des cases du road book, et tu es donc capable de reprendre le fil de celui-ci... et aujourd'hui... ben... pas de GPS...
Donc pour cette étape il va falloir suivre quelqu'un, et si possible quelqu'un qui ne se paume pas...
Et bien figure toi qu'est inscrit sur ce raid un jeune retraité qui organisait justement ce raid et des centaines d'autres depuis 30 ans : ça tu te dis, c'est LE gars qu'il te faut suivre ! J'ai fait le même raisonnement...
Évidemment, tu auras deviné : juste et seulement ce jour là,  le gars s'est ...planté...
Mon  problème alors, c'est que j'avais déjà eu bien du mal à rester accroché derrière lui avec ma meule.  Alors lorsque le gars a fait demi-tour, un peu contrarié, et qu'il a tourné la poignée de gaz du côté qui va vraiment vite... et je me suis retrouvé largué...
A 2500m d'altitude : c'était très beau mais j'étais très seul...

Mais l'aventure c'est l'aventure, alors en suivant les traces, le nez par terre comme un clébard, j'ai fini par retrouver une piste sur laquelle, visiblement, pas mal de motos étaient passées... on va dire que c'était la bonne...
Mais la chouquette ne carbure pas bien, impossible d'exploiter toute sa puissance (lol...).Disons que c'est désagréable d'avoir un poumon qui fait beuuuuuuhhh quand tu lui demandes d'aller  plus vite.... Je me dis que c'est pas vraiment le moment qu'elle me fasse son petit caprice et puis... et puis je repense à ce que j'ai lu : tu vois, lire n'est pas encore un truc totalement inutile...
Figure-toi que j'ai le "Manuel du Propriétaire" de cet engin, oui ! Et comme je fais partie des obsessionnels qui déchiffrent tout et tout le temps, je m'étais farci ce fameux fascicule, et me revient alors en mémoire que l'engin est muni... d'un enrichisseur ! Tu vas me dire que pour une moto de plage c'est un peu normal : dès qu'elle dépasse 100 d'altitude, elle est plus dans son élément... 
Et bien je t'annonce que oui, ça marche : je tire sur le petit levier, et le monstre retrouve toute sa puissance...
Ouf, je vais  pouvoir continuer l'esprit tranquille. 
Et j'aperçois justement un peu plus loin, de la poussière qui vole : bingo ! C'est pas encore aujourd'hui qu'ils vont se débarrasser de moi !

A partir de là je vais suivre scrupuleusement le road book, parce que finir en pleine nuit dès la deuxième étape, c'est pas bon pour la tension nerveuse...

Comme je roule tranquille, je prends des photos, et ça le mérite vraiment :




  Là, défense de se louper, sinon baignade, mais bien plus bas...


 Puis c'est de la grande plaine et tout au bout un col...


 ...avec descente 100% cailloux...
  ...et retour à la vie après 20 bornes de pur minéral.
Bon, je me cogne 280 bornes de pistes cassantes soit environ 8h sur la bécane : genoux bloqués à l'arrivée à cause de la position illustrée plus haut et surtout la quasi impossibilité de rouler debout pour cause de cale-pieds trop en avant : ils sont trop près du guidon, et debout j'oscille entre appui sur les pieds et appui sur le guidon… Déséquilibrant et carrément dangereux. 
Donc : 280 bornes et 8 heures assis sur la pétoire...
- Eh gars, on va pas te plaindre quand même, tu roules dans le désert pendant qu'on avale un sandwich devant la machine à café en regardant tomber la pluie !
Pas faux : j'ai du bol et pas vous...
Donc c'est même pas la peine que j’essaie de vous tirer des larmes parce qu'il fait froid la nuit sous la tente ?
Pour la troisième étape on va rejoindre  FOUM ZGUIG.
A ce stade du récit, il te faut te souvenir de ce que j'ai écrit plus haut : je ne vais pas te bassiner des heures à t'expliquer ce que j'ai mangé et où j'ai fait pipi. Nan. Parce qu'on est au Maroc, en Afrique, et que ce continent sculpte en creux notre quotidien, exacerbe les sensations, te fait vivre à son rythme, à sa manière, te bouscule et envoie pleins de vibrations à la matière molle logée dans ta tête. 
Alors tu as des images, des instants puissants, des joies grandioses et des tristesses infinies.
* Instant triste : des mômes qui, à ton approche, font le geste d'enlever les cailloux de la piste et tendent la main en quête de... de quoi au fait ? 
 "Donne-moi..." 
L'image d’Épinal ce sont les stylos, les tee-shirts, les bonbons... J'aimerais bien qu'on m'explique quoi faire : je viens dépenser mes sous dans un pays pauvre, qu'est-ce que tu me conseilles ? Rester chez moi ? Militer ? Voter ? Donner ? Foncer et m'en foutre ?
Tu remarqueras que c'est un peu ces mêmes questions qui tournent autour de tout ce qu'on baptise " Migrant"... Migrant, exilé, sauveur de sa peau, désespéré au point de risquer sa vie pour la gagner ?
Rester chez soi, militer, voter, donner, foncer et s'en foutre ?
Bref, comme disait un enfoiré, "ça gâche un peu le goût des mes plaisirs"... 

 * Instant puissant quand, ramant au milieu des dunes face à un vrai gros tas de sable qui fait caler ma choupinette à 50 cm de la bascule, trois essais trois échecs, je découvre... une mobylette... Une mobylette, là haut, avec le type assis à côté.

Là pour les tofs, j'ai carrément foiré,  parce que le jour des vraies grosses dunes pour faire des vraies grosses photos, et ben... j'ai juste oublié l'appareil... oui grrr...
Bon si le gars est là haut, je peux le faire aussi, je le rejoins et il propose bien sûr de m'emmener "là-bas". Tu penses bien qu'il a déjà vu le film...
Et on part, lui devant avec sa mob, et le gros bourricot derrière avec sa bécane espéciale sable. Si je te dis qu'il passe juste où ça le fait bien et que je le suis comme un bon toutou, tu ne seras pas étonné.
Mais ça devient franchement bluffant quand je remarque que tant que je roule pile sur sa trace tout va bien, mais que si je m'écarte, seulement de 50 cm je patauge dans le mou comme une cuillère dans le yaourt ! Soit il a les lunettes à repérer le sable dur, soit il connait vraiment par cœur le terrain, soit il est né par là et c'est intégré dans ses gènes... Tu te prends encore une bonne tarte dans ta figure de gros malin qui voulait survoler les dunes... Un mec en haillon, avec une mob...

*Instant "la vraie grande sensation d'aventure"
 Une immense plaine désertique, tu marches au cap, c'est à dire que tu suis la flèche de ton compas, mais c'est aussi à dire que tu peux aller où tu veux sur 360° si l'envie te prend de rejoindre l'horizon.


A part en mer, cette sensation de liberté totale n'existe que dans le vrai désert, et quelques types dans mon genre ont BESOIN de ça. On doit pouvoir le ramener à quelques souvenirs d'enfance, quand tu es tout petit et que le monde te paraît infini. Ouais, c'est ça, je suis un vieux bébé...
Je reviens à ma grande plaine. Au fond, dans la bonne direction, tu peux choisir de continuer dans la plaine, ou alors le petit col mignon qui va te donner une vue dominante.
Devine.
Oui, évidemment, le col !
Et là, là, c'est juste du fabuleux. Passé le col, une petit vallée de sable bien porteur, cernée de roches noires descend doucement pour te ramener sur le bon chemin. Juste ta trace, et toi, là, seul sur cette merveille, sous le ciel et le soleil.




Rien que pour cet instant, ça valait le coup de venir jusqu'ici...

*Instant fatidique
Un fond d'oued, pleine chaleur, sable hyper mou bien brassé par de nombreux passages. Ouais, en gros, c'est toujours moi qui passe en dernier...
La bécane ronfle fort et bouge dans tous les sens, devant et derrière, c'est grisant, ça remue, tu t'imagines que tu pilotes vraiment comme un dieu, et tu te sens finalement assez à l'aise pour aller tourner la petite molette de l'odomètre sans t'arrêter. Tu lâches donc le guidon d'une main, et... te vautres lamentablement en poussant le grand cri de circonstance " kaistécon mais kaistécon !!"

Comme une gaffe ne suffit pas tu enchaînes immédiatement la suivante : énervé par la colère tu relèves la meule d'un grand coup de reins rageur, tu entends " krouïïïkkk !" et tu sens un grand  poignard te plonger dans les reins. Tu t'allonges dououououcement en respirant encore un peu, tu murmures encore le cri de circonstance " kaistécon mais kaistécon !!" et tu comprends que tu vas longtemps payer ton immmmeeennnnnsssse bêtise...
Effectivement : chaque matin désormais, tu te traîneras hors de ta couche en couinant, mettras dix minutes pour enfiler tes chaussettes, un quart d'heure avant de retrouver la position verticale...
Mais, mystérieusement, le vrai motard doit avoir un interrupteur dans le fondement qui anesthésie la douleur : la gêne restera très supportable dès lors que je serai en selle... 

* Instant bricolage à l'arrache.
Premières dunes prévue, je suis chaud bouillant, rappelons que je suis un peu venu pour ça... Piste rapide, puis un premier CP. (Contrôle de Passage quoi,  comme ça  on sait s'il faut rechercher  ton corps avant ou après ce contrôle, si tu ne rentres pas le soir...)
J'ai eu quelques alertes avec le GPS qui s'éteint intempestivement : la connexion se fait avec une prise allume cigare qui trainait dans le garage depuis 20 ans, parce qu'il fallait que l'appareil soit amovible pour que l'organisateur puisse charger les routes. J'ai déjà bidouillé le truc : tu remarqueras que lorsque tu bricoles au chaud dans ton garage tu soignes bien le boulot, joli joli. Sur la piste, tu fais déjà un peu moins classe, voire tout pourri :


Mais comme il y a encore de micro coupures, je décide de sécuriser radicalement la connexion avant de rentrer dans les dunes : hop, on coupe tout, on vire la prise et la fiche, on fait deux épissures et on tartine de scotch pour éviter les étincelles.




Yes, et maintenant à moi les dunes !!!

* Instant pas de bol.
Après une demi heure de pampa et de sable croûté, très désagréable, je me pointe au CP 2. A moi les dunes !!!
Comment dire là ... imagine que tu vois une super nana qui se trémousse devant toi en te lançant des regards langoureux, elle s'approche, s'approche, tu fermes les yeux, tu sens son parfum, elle te frôle, et puis... et puis tu ouvres les yeux et elle n'est plus là...
Voualà.... : il y a trop de vent dans les dunes, on laisse plus entrer personne dans le cordon, et... je suis le premier à ne pas entrer ! Si, le premier... J'aurais pas bricolé juste avant c'était bon. Un peu de quoi se les bouffer tu vois...
La consigne est de retourner au CP1, c'est à dire se farcir à nouveau la pampa et le sable croûté ! 
Et là, je fais mon gros blaireau (sûrement que je vois encore la super nana se trémousser devant moi) : je fais gentiment demi tour, et 500 m plus loin quand on ne me voit plus, je bifurque à droite vers les dunes : l'idée est de rentrer perpendiculairement dans le cordon de dunes puis de reprendre le cap sur le CP, tout en naviguant dans les dunes.
C'est pas bien, c'est dangereux, c'est ridicule, mais je fais souvent des choses pas bien, dangereuses et ridicules...
Je fais donc mumuse 20 mn dans les dunes, puis je rebranche le cerveau parce que les gars du CP1 doivent attendre que j'arrive pour fermer la boutique... Allez, pampa et sable croûté...
Ici petit aparté sur les CP. Ils sont tenus par des gens de l'organisation qui t'accueillent avec : le sourire, le café, des boissons, des friandises voire... des grillades. Si, des grillades ! Parce qu'il y a parmi eux un génie gastronomique qui a viré la roue de secours accrochée derrière son gros 4x4 pour la remplacer par... un barbecue ! Fallait oser non ?
Bon, oubliée la frustration : grillades et on rejoint le lac Iriki...



... sur lequel un doux rêveur a planté , le Titanic café... 

* Instant pas perdu pour tout le monde.
Le briefing racontait "tu sors de l'oued, tu trouves une route en construction et tu la prends." Facile non ?
L'oued fut un gros tas de gros cailloux difficiles à franchir : il y avait bien sûr une belle piste parallèle à 50 m de là, mais bien trop discrète pour moi... Je rebondis donc pendant une heure dans l'oued, et à la sortie, comme dans le plan, la route en construction. Gaz !
Tiens tiens, peu ou pas de traces au sol...
Avoir un gros égo dans ce cas là, c'est se dire " ouais, j'ai super bien passé l'oued, je suis seul devant tout le monde !
J'ai...
Gaz donc, et je tombe sur des ouvriers mangeant à l'ombre d'un camion. "Salut les gars, vous avez vu passer des motos par ici ?" Euh... me disent leurs yeux "peux-tu répéter tes propos dans la langue du pays noble étranger ?" 
No problémo, I'am multilingue. Je lève les bras tenant un guidon imaginaire et je tourne les mains pour montrer que ça gaze sévère. Leurs yeux s'illuminent, leurs têtes hochent, et leurs mains me disent "fonce par là tu vas les rattraper." Gaz encore. 20 bornes. Et...
...et...plus de route... et un bled : paumé est faible, ruiné est plus juste...


Sisisi, regarde bien, on le voit....
Oublié, voilà, un bled oublié. Trois heures de l'après midi, une chaleur colossale, un bled oublié, et un zig totalement perdu.
Et puis une famille qui approche, je lève les bras tenant  un guidon etc etc... Leurs yeux restent fixes, et leurs sourcils levés. Bon... personne n'est passé par ici... 
Mobilise quelques neurones, branche les synapses, et tu vas trouver.
J'ai trouvé : j'ai bien pris la route... mais pas dans le bon sens... Grosse buse !
Chaleur, soleil, paumé, tout le monde est rentré se mettre à l'ombre, seul un môme est resté, six ans, environ qui me fixe. Muet. Demande rien, me fixe.
Ses yeux, les miens, rien d'autre, toute son histoire devant moi, six ans,  dans un bled oublié, pauvreté sans malheur...
J'ai fait 20 bornes pour venir ici, je vais les refaire dans l'autre sens : je suis quand même pas venu pour rien ? Je fouille mes poches, je fouille la tête. Il doit rester un truc là, au fond... oui... un stylo. Un stylo, rouge. Un peu cassé en haut. Je le tends au môme : et je referais volontiers encore 200 bornes pour revoir son sourire !
Je suis pas venu pour rien...

* Instant touristique.
Une copine m'avait dit "je suis née à Midelt, fais moi une photo de la maison sur la colline à droite de la mosquée". Une mission quoi... 🎶🎶🎶♬♫Tin tin tintintin tin tintintin🎶🎶🎶♬♫... impossible... 
Mission impossible parce que Midelt est à 1500 m d'altitudes, parce qu'on arrive par un col de 2000 m, parce qu'il fait 4°, parce qu'il grêle, parce que la descente se fait au milieu des camions, des voitures, des coulées de boues, des coulées de gravillons et des torrents de flotte.
Parce que ce jour là Midelt est dans un nuage de brouillard glacé et monstrueusement épais. Alors ma Claudine, ta maison natale, désolé, j'ai pas pu... J'ai juste pu rallier l'hôtel vivant, monter jusqu'à une chambre, ouvrir le robinet d'eau chaude d'une baignoire et noyer ma viande gelée à l'intérieur...
Dommage pour la visite touristique.
Au coucher du soleil, c'est comme ça :


  Il neige pendant la nuit. Et au matin c'est juste magnifique.



*Instant Gérard roi du raid.


Une petite tranche de vie : Gérard vit au Sénégal, il se promène en moto, se retrouve en Mauritanie, et rencontre un motard : Arnaud. On papote, on boit une mousse, on mange ensemble, on passe une bonne soirée, on échange les téléphones, on se quitte et on se dit à la prochaine.
Bon. Quelques mois plus tard "allo c'est Arnaud, on s'est rencontrés en Mauritanie, on a papoté etc etc... Je vais faire une balade au Maroc, ça te dit ?"
- Euh, oui, fait le Gérard...
- Voilà l'adresse du site, tu t'inscris et on se retrouve là-bas.
- Euh, oui, fait le Gérard...
Gérard n'est pas un gars contrariant...
Il s'inscrit. Point. Et se dit " chouette balade : je pars du Sénégal, je rejoins le Maroc, 3000 bornes, je retrouve mon nouveau pote, et on se promène au Maroc. Cool !
Gérard aime bien rouler avec sa grosse BM...
Une semaine avant de partir le Gérard se penche quand même un peu plus sur la question et... il tombe de haut...
- Allo Arnaud, dis donc, faudrait pas que je mette des pneus TT, parce que dans la notice ils disent que... ?
Le nommé Arnaud se penche une peu plus sur la question et... tombe aussi de haut...
- Euuuuuhhhh, oui, p'têt...concède le Arnaud en se grattant le crâne...
Bon, le Gérard file faire monter les bons pneus, prend la route, se coltine 3000 bornes et se pointe à Marrakech, au départ du RAID.
- Départ du RAID ! !! C'est un RAID ? Allo Arnaud ? Dis, ta BALADE là...
Pour faire court il va faire le RAID avec la très grosse BM, deux slips de rechange, sans GPS et sans dérouleur de road book...
Retrouvailles le premier jour à Marrakech :
- Arnaud, dis-moi... tu m'avais pas dit que...
- Aaaaahhhh saaaalut Gérard... viens on va... on va boire une bière ! lui fait le Arnaud qui se gratte décidément beaucoup le crâne...
C'est avec eux que j'ai roulé le premier jour. Grosse BM et Grosse KTM, plus deux autres, mais équipés complet, eux, et... et... habitués à la piste...
Pour faire bref, on a ramené le Gérard le premier soir, cuit, râpé, et commençant à comprendre que sans GPS et sans road book il était désormais à la merci de qui voudrait bien le traîner...
Dois-je préciser que dans cette première étape, le nommé Arnaud, après une longue matinée à rouler comme une larve en attendant son pote, s'est payé une échappée belle en nous laissant le Gérard en pension ?
Bon, il faut reconnaître qu'ensuite ils ont roulé ensemble, et que cette belle amitié a été sauvée par l'amortisseur arrière de la KT d'Arnaud qui a déclaré forfait, obligeant le gars Arnaud à rouler mollo mollo puisqu'il n'était plus monté que sur ressort...
Mais l'aventure du Gérard s'est quand même mal terminée, puisqu'il a fini à plat ventre avec la moto sur la cheville, et qu'il a fallu plâtrer. Mais il a quand même eu le bol d'attendre la dernière étape pour se vautrer aussi copieusement...

*Instant retour sur terre.
Il a plu, beaucoup, pendant la nuit, et on se fait des pistes copieusement boueuses. J'aime. Parce que même avec mon petit poumon poussif j'arrive à faire de beaux travers bien propres, bref, c'est joueur...

Il y a deux gars qui ont pris en sympathie mon poumon poussif et qui, lorsqu'ils me rattrapent, se contentent de me suivre tranquillement.
Bon, tu ne sais peut être pas, mais un type avec des hormones mâles à l'intérieur, ça doit toujours prouver quelque chose...
Je me demande même si je ne me suis pas pris à rêver qu'ils n'arrivaient pas à me doubler...
Bon, arrive une bonne grosse descente gluante, la choupette qui vole d'ornières en saignées, c'est bon, je suis un dieu du pilotage ! 
Et finalement l'ornière vicieuse qui t'emmène sur la droite, puis le gros caniveau, et le dieu du pilotage se vautre dans la boue comme un porc dans sa soue...
Range ton égo et rabats tes hormones...
On a traversé ce jour là des paysages somptueux, le Maroc est incroyable de diversité.
Désert de sable, de pierres, lacs, forêts, campagne, montagne...







Oui... c'est encore un pays dans lequel tu peux prendre un véhicule motorisé - tu sais ces trucs chers qu'il faut acheter pour faire marcher le commerce mais dont il ne faut pas se servir parce que ça pollue la planète- et passer où tu veux... Monter au sommet là-bas, descendre tout au fond là-bas, t'arrêter là parce que ça te plait.

Tu as un sentiment de liberté devenu rare chez nous, et c'est la raison pour laquelle tu peux aussi rouler calmement quand tu traverses un village, et emporter tes déchets avant de lever le camp.

Tu peux aussi discuter avec des gens qui sourient, tu peux manger dans une gargote et dépenser utilement tes sous en faisant marcher le commerce, et tu peux admirer la vie totalement autarcique de certaines familles.


 * Instant bilan.

On va conclure.
Partir avec ce genre de bécane pour ce genre de raid ne relève pas de l'exploit. Suffit d'être patient, d'avoir une bonne condition physique, d'aimer la solitude, et de savoir ménager une mécanique.

Côté inconvénient : la durée des étapes. Si les plus rapides mettent 4h, tu en mets minimum 8... Au début tu es chaud bouillant, plus c'est long plus c'est bon, mais au fil des étapes tu te prends quelquefois à rêver d'avoir 60 CV, de mettre la poignée dans le coin, et de rentrer à la niche avant la nuit...


Côté avantages :
- un capital sympathie indéniable, un pilotage sage et économe donc, en théorie, un minimum de risque de s'en prendre une sévère.
- le temps d'apprécier le paysage, la piste, de faire des photos, de penser...

*Instant futur...

Au moment de repartir tu es partagé entre deux sentiments parfaitement opposés : tu en as ta claque de la bécane, des heures de selle, du sentiment de légèreté fragile qui te sous-tend en permanence ; et puis tu te dis qu'il faut recommencer le plus vite possible, pendant que ça l'est encore, possible.

Bref, c'est ça l'aventure, ce mélange de sentiments sucrés salés, de joies de fatigues et de découvertes. Ce mélange de grande gestion et de grande liberté.

Et, franchement, c'est bon.

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Commentaires

  1. Enfin notre ancien instituteur prend sa plus belle plume pour écrire un mot. Et quels mots...
    Merci Patrick pour ce joli parcours.🥁👍😜

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    1. Dis-donc, tu viens de me traiter, d'abord d'ancien, et ensuite d'instituteur !
      Et bien je... euh... ne peux que revendiquer haut et fort les deux statuts...
      Et content de te compter comme lecteur !

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  2. Tu n'as rien perdu de ton style. Content de ce moment passé à lire. A bientôt peut-être ! 😉

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  3. Très heureux de te retrouver en pleine forme scripturale et en de si bonnes circonstances !
    Une fois de plus tu m'as régalé avec ta prose, j'en suis encore plié, comme au bon vieux temps de la Flatcab.
    Au plaisir de te croiser à nouveau au coin du net ou du paysse ...
    Nicolas alias landroudeur64

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    1. Il semblerait que les Félixiens soient toujours friands de sable de soleil de pistes et de ces anecdotes de voyages qui ramènent l'homme à sa juste condition ; petite crotte maladroite sur une si belle planète...
      Bonjour à tous, et que vivent l'humour, l'amour, et les gens qui découvrent sans trompettes ni tambours...

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  4. Quel plaisir! J'avais lu déjà les autres opus qui nous avaient bien régalés, et le dernier ne nous a pas déçus,! Contents de retrouver ta verve et merci!
    Marthe et Claude alias Mobile7756 dans une autre sphère. .......

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    1. Bonjours les Félixiens, content d'avoir de vos nouvelles et fier de vous compter parmi les fidèles lecteurs !

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